N° 330 (mars 2025), X devient ton nom

Avance lente­ment, avance, oui, avance, le plus lente­ment pos­si­ble jusqu’à la porte, là, la porte. Baisse-toi, tou­jours lente­ment, jusqu’à ce que tes mains, paumes à plat, puis­sent touch­er le sol. Com­mence à songer à ce qui t’entoure dans cet espace, à tout ce que tu peux voir ou sen­tir. Dénom­bre tous les objets et nomme-les en même temps en regar­dant de gauche à droite. Énumère, d’une voix claire, en détachant chaque syl­labe, toutes leurs qual­ités et leurs fonc­tions. Fais-toi, ensuite, une représen­ta­tion men­tale de cha­cun d’eux, de leurs formes et dis­po­si­tion. Garde-les en mémoire pour que cha­cun s’intègre dans un tout, en une image par­faite et nette. Habitue-toi ain­si à l’espace, à sa sim­plic­ité, à son plan élé­men­taire et à tout ce qui l’encombre. Imag­ine, main­tenant, ces objets trans­posés dans un autre espace, un espace que tu inven­teras. Jux­ta­pose men­tale­ment dif­férentes organ­i­sa­tions, dif­férents emplace­ments et hybride-les. K est le nom que tu donnes d’instinct à cette représen­ta­tion, à cette chimère insta­ble, mou­vante. Liste les formes qui te sem­blent les plus agréables, plus con­formes à ton état d’esprit aujourd’hui. Mélange les dif­férents élé­ments de cha­cune et con­stru­is ain­si un espace improb­a­ble, informe. Nég­lige les détails et ne te tiens qu’à une vue d’ensemble, une représen­ta­tion glob­ale, générale. Oublie tout, main­tenant, et efface totale­ment de ta mémoire tout ce que tu viens de bâtir. Pense le moins pos­si­ble à ce qui t’environne, à tout ce que tu as pu mémoris­er ou fan­tas­mer. Ques­tionne-toi sur ce qui va te man­quer le plus, sur l’image que tu aimerais préserv­er en toi. Reste un instant de plus immo­bile avant de te relever et de te diriger vers la porte du fond. Sup­prime toute autre inten­tion que celle qui con­siste à arriv­er jusqu’à la porte et à l’ouvrir. Tem­po­rise l’ouverture, juste à peu, pour te pré­par­er à ce qui se trou­ve peut-être de l’autre côté. Use de toute ta con­cen­tra­tion pour ne pas céder à la panique, ne pas retourn­er dans la pièce. Visu­alise ce dont tu te sou­viens comme tu dois te rap­pel­er de ce qui était de l’autre côté. X devient ton nom.