Éric Suchère

Variable

Argol

404 pages, 13 x 20 cm
19 €
ISBN 978−2−915978−92−6
Novem­bre 2014

Je suis fasciné par la forme du jour­nal, de celui de Kaf­ka aux notes dans les agen­das de Pierre Bon­nard si ellip­tiques, retenant apparem­ment si peu de choses des jours – mais un « peu » très con­cis – et c’est cette forme que j’ai voulu explor­er dans Vari­able. Donc, pen­dant deux années, j’ai tenu un jour­nal, un jour­nal au sens le plus clas­sique du terme, en notant la météo, mes activ­ités, les ren­con­tres, les petits événe­ments… à par­tir de ce matéri­au, j’ai essayé de con­stru­ire un livre qui sur 365 pages, ferait le tour d’une année et serait encore un jour­nal, mais un jour­nal plus anonyme et plus abstrait où les per­son­nes deviendraient des fig­ures, les rela­tions avec elles des arché­types, les petits événe­ments quo­ti­di­ens des moments d’étrangeté en mimant les élé­ments styl­is­tiques pro­pres au genre comme l’ellipse, la pochade, la liste, l’énumération, des frag­ments de réc­it, des notes… Les pho­togra­phies vien­nent don­ner une tonal­ité ou un con­tre­point aux textes. Ce sont des chutes saisies dans cette suite des jours qui oscil­lent, tout comme le texte, entre fig­u­ra­tion et abstraction.

Si l’on retrou­ve, comme dans le pro­jet … Un autre mois… – dont le pre­mier vol­ume, Lent, a été pub­lié par Le Bleu du Ciel en 2003 et le sec­ond, Brusque, par Argol en 2011 –, l’idée de 365 textes et une impor­tance don­née à la per­cep­tion, l’attention s’est portée un peu plus ici sur la psy­cholo­gie avec l’idée d’un por­trait en creux dans la retran­scrip­tion des rap­ports rela­tion­nels avec, en ombre portée, le mon­u­ment qu’est Le Côté de Guer­mantes. Vari­able se rap­porterait, alors, non seule­ment à la météo, à la suite des jours mais égale­ment à l’humeur de ce nar­ra­teur omniprésent – ce qui est le pro­pre du jour­nal – mais, finale­ment, assez désincarné.

La numéro­ta­tion dou­ble – tout comme le fait que le livre com­mence à la sec­tion 069297 et se finit à la sec­tion 068298 – indique que ce livre n’a ni début, ni fin, que l’on peut le pren­dre à par­tir de n’importe quelle sec­tion ou n’en lire qu’une page – une par jour serait l’idéal – comme il ne s’agit pas d’un roman, mais d’une suite de proses.