N° 251 (août 2018), Traces
Marche, regarde, pense, pense à une chose puis à une autre. Regarde le décor, les objets, les tonalités, valeurs, formes, matières. Tout est clair. Il n’y a que des images, images mouvantes, hétérogènes, qui défilent, capables de toutes les analogies, de toutes les métamorphoses, se modifiant lentement, en permanence, qui sont, s’effacent en un instant, s’effacent dès que, ne laissent pas grand-chose, ne sont plus, n’auront été qu’une parenthèse, moment de suspension, aspiration. Répète. Répète pour penser à autre chose. Regarde tout. Ne fixe rien de précis. Change les perspectives, le point de vue – chacun son propre angle, son cadrage. Prétends que. Affecte, dans sa possible répétition ailleurs, à un autre moment, devant cette, devant le soulèvement, le saisissement provoqué par l’incohérence des sensations, ne faisant plus qu’effleurer, essayant de passer outre, de faire comme si certaines situations évoquaient des images, se constituaient en images ou en réminiscences d’images. Essaie de mémoriser. Croise les catégories. Accepte les catégories multiples. Souviens-toi des situations dans un ordre ou un autre. Reprends. Concentre-toi. Sois attentif au moindre signe. Surveille tout ce qui se passe aux alentours – il suffit de modifier la grammaire, de déplacer les intonations expressives. Décélère, reforme couleurs, surfaces et taches. Ne te heurte plus à rien, traverse les surfaces, glisse sur elles. Porte le moi sur ce que perçois. Imprime-toi sur toutes les choses – balayage continu des. Suppose l’erreur dans. Modifie en permanence les choses. Saisis toutes les permutations possibles. Deviens la dissolution en et la constitution de la lumière sur les choses, la lumière à travers les, baignant, imprégnant, nous baignant, les voyant, mais n’étant pas en elles ou avec elles – à distance, toujours. Accepte quand le décollement survient. Attends que cesse, s’échappe. Ne laisse des traces, des mots.