N° 321 (juin 2024), La lumière

Il attend der­rière les bar­rières de sécu­rité et regarde les avions qui décol­lent ou atter­ris­sent, fix­ant longue­ment leurs tra­jec­toires, essayant de les mémoris­er, tan­dis qu’ils devi­en­nent des tach­es dans le bleu som­bre. Il ouvre les yeux, regarde fix­e­ment l’endroit qui lui sem­ble vague­ment fam­i­li­er tan­dis que la lumière dimin­ue et que le sen­ti­ment d’étrangeté dis­paraît totale­ment. La lumière jaune des appliques du couloir se reflète sur la moquette murale et sur le sol brunâtre encad­rant la porte bat­tante. Il passe devant des groupes qui stag­nent autour d’un kiosque dans la lumière de fin d’après-midi allongeant toutes les ombres portées. Il passe entre les rangées de tables recou­vertes de nappes de papi­er sur lesquelles se trou­vent de nom­breuses tach­es de café. La lumière de la vit­rine du mag­a­sin sem­ble dif­férente de celle dont il a l’habitude. Il essaie de lire les mots sur l’affiche mais il n’arrive pas à les déchiffr­er et à les reli­er à un sens. Il entend une musique loin­taine émanant de quelques haut-par­leurs. La lumière jaunâtre du lus­tre se répand sur le sol recou­vert de linoléum. Il s’assied à un table et écoute les con­ver­sa­tions alen­tours. Il ne se sou­vient d’aucun des lieux, d’aucune rue ou mai­son. La lumière se reflète sur les vit­res, les niant. Il se met à tran­spir­er en ayant une sen­sa­tion de déjà-vu. Il imag­ine un espace dif­férent, d’autres agence­ments. La lumière bleuit les ombres sur le sol. Il regarde vague­ment mais tout cela sem­ble irréel. Il pense deux fois de suite à la même chose. La lumière est blanc-zinc-cassé. Il compte men­tale­ment les sec­on­des. Il sait qu’il vaut mieux ne pas regarder. La lumière est insta­ble. Il demande un café et un cen­dri­er. Il regarde les chais­es vertes. La lumière est blanche. Il regarde la rue qui se vide. Il sent une odeur âcre. La lumière est jaune. Les arbres sont noirs. Un homme passe.