N° 287 (août 2021) Le dénouement
Cher P., la tonalité exacte reste à définir mais il est inutile de faire des phrases comme elles ne compensent rien ou, alors, il faudrait accorder la phrase à ta respiration qui est, maintenant, la seule chose qui nous lie. Les peupliers, balancement, s’immiscent dans le discours et j’ai retrouvé exactement où se situait la scène. Je synchronise visage et respiration pour enfin te trouver, pas te retrouver, mais te trouver. Je sais que les images ont perdu leur signification.
Cher P., la première chose qui m’a surpris, c’est le bruit de ta respiration : inconnu, liquide, mélange d’air et d’eau, bouillonnement. C’est ce bruit qui reste durant la traversée des paysages, tandis que je retourne chez toi et, depuis peu, chez moi. Je vois encore cette cavité, qui était plus qu’une bouche sur laquelle je me focalisais, impudique. En attendant, je n’avais pas pensé au contre-champ et que c’était toi qui se trouvait, à chaque fois, de l’autre côté.
Cher P., j’ai essayé de te toucher mais je n’ai pas pu, pas la première fois. Il a fallu que je vois quelqu’un le faire pour, enfin, essayer, m’aventurer, y arriver. Ce contact ne m’a rien donné et, d’ailleurs, je n’y avais pas le droit. Il t’a transformé en abstraction. Ton corps s’est volatilisé, puis il est revenu comme il se devait, invisible, concret mais invisible. Les cadrages approximatifs déplacent les figures à la périphérie. Je suis celui qui était passé de l’autre côté.
Cher P., je peux revenir sur toutes les images, mais cela ne servira à rien. Il n’y a aucune image possible, sinon celles qui existaient avant moi. Il n’y a que des situations. Ce sont les seules choses qui restent. Ces situations sont là, toujours les mêmes et elles sont peu nombreuses. J’ai beau chercher, je n’en trouve que quatre ou cinq, mais elles suffisent. En attendant, les motifs subsistent. Je viens d’en retrouver deux que j’avais totalement oubliés. Ils absorbent les figures totalement qui, elles, se déplacent, s’intervertissent, mais tout cela ne change rien.
Cher P., il n’y a pas de réparation possible, juste une acceptation et un dérivatif pour penser que cela a pu servir à quelque chose, avait une quelconque utilité. Il n’y a qu’à attendre que le dénouement survienne, sans aucun suspens possible. Je pense eau, ondulations qui brouillent l’image des corps immergés – un moment de, parmi tant d’autres. Il ne reste qu’une image, d’un bâtiment au loin vu depuis un chemin de campagne : d’un chemin ombré en voûte.